◣ noir réflecteur.

✰ NOM COMPLET: Eileen Grace Rosendale. Mais elle se fait appeler Gracie. ✰ ÂGE: Vingt-cinq ans. ✰ DATE ET LIEU DE NAISSANCE: Au matin du dix-sept mars, dans le Bronx. ✰ NATIONALITÉ: Américaine. ✰ ORIGINES: Israéliennes, du côté paternel seulement. ✰ STATUT CIVIL: Mariée, surtout sur le livret et la pièce d'identité. ✰ EMPLOI/ÉTUDES: C'est une ancienne prostituée, actuellement femme au foyer et en recherche d'emploi. ✰ STATUT MONÉTAIRE: Depuis le mariage, le couple vit sur un revenu plutôt modeste. Ils arrivent à mettre de côté une petite somme tous les mois, sans pour autant arrêter de faire attention à leurs dépenses. $$$. ✰ TRAITS DE CARACTÈRE: Sensible, rêveuse, psychologiquement instable, puérile, douce, drôle. ✰ GROUPE: Oneself.

Eileen est superstitieuse. L'appartement qu'elle occupe avec son mari est plein de grigris, d'attrape-rêves, de porte-bonheurs, de bibelots qui l'aideraient à surmonter ses angoisses du vendredi 13. ⊹ Son banquier a fait couper sa ligne téléphonique à cause de ses dépassements de forfait qui l'ont longtemps mis dans la rouge. Ils étaient dus notamment aux appels et aux messages passés pour une consultation de voyance ou aux numéros annonciateurs d'événements des publicités. ⊹ Sa garde-robe est loin de l'image coquette qu'elle peut renvoyer en apparence. Ses vêtements sont dépliés, éparpillés - et rien de ce qu'elle achète ne reste en l'état. Ses habits provenant plus souvent de friperies que de magasins chics, elle se permet toujours de faire un rajout dessus. C'est une habitude qu'elle avait prise avec ses poupées.

✰ PLAYLIST OF YOUR LIFE.
01. Bonfire heart de James Blunt. 02. Shelter de Birdy. 03. Skyfall d'Adele. 04. Talking to the moon de Bruno Mars. 05. Candles d'Hey Monday. 06. How to save a life de The Fray. 07. The Reason d'Hoobastank. 08. Fix you de Coldplay. 09. Breakeven de The Script. 10. Never grow up de Taylor Swift.

PSEUDO ET PRÉNOM Sans nom. ÂGE Dix-sept ans. FUSEAU HORAIRE Paris. (France.) FRÉQUENCE DE CONNEXION Normalement, les soirs en semaine, les week-ends et les vacances. Mais mes contraintes, mes obligations, et ma vie privée viennent s'ajouter à la restriction de mon temps. AVATAR Felicity Jones, la magnifique. COMMENTAIRES, AVIS Le style épuré du design donne une ambiance doucereuse au forum, j'aime beaucoup. CASSDÉDI, AUTRES Ces deux smileys sont vraiment (trop) adorables.  

Le soleil s'était évaporé sur la ligne d'horizon. Vêtue d'un maigre châle, Eileen tremblait des lèvres timidement. Et elle suivait les phares des voitures, soutenait sans conviction le regard des passants. Elle sursauta naïvement au contact de Lyndberg, qui lui frôla l'épaule d'une main délicate qu'elle lui connaissait plus qu'elle ne le voulait. Elle sentit ses membres se raidir lorsque la chaleur de son souffle remonta doucement dans sa nuque. « Gracie, ma Gracie. Souris, s'il te plaît. » Devant ce qu'il prit pour une absence de réaction, un silence impuissant, Lyndberg se fit davantage insistant. « Je veux cinq cent. Ce soir. » La jeune femme ravala les larmes qui rendaient brillants ses doux yeux vipères, en séchant d'un doigt incertain une perle roulant sur sa joue fardée. « C'était cent. Tu... » Sa voix se brisa dans un sanglot oublié. Mais déjà Lyndberg pressa la conversation. « Tu protestes ? » Elle secoua résignament sa tête. Il esquissa une caresse sur sa joue, et elle contracta ses mâchoires - souillée par ses mains sales. Elle le subissait, faible. N'aspirait qu'à fuir la vie qu'il lui imposait. Courir loin du chaos, du trouble de son âme dont il était l'unique coupable.
Quand bien même elle réussit à arborer un semblant de sourire, sa mélancolie, son malaise et sa gêne effrayaient les clients. Un se risqua à l'aborder. « Bonsoir. » Elle se passa des politesses d'usage, et s'engagea dans la grande salle où elle l'enjoignit maladroitement de la suivre. Elle ne demandait que ses billets, et était réduite à une telle honte d'elle-même qu'elle ne prêta guère attention à sa voix tendre et mélodieuse. Une voix qui répétait pourtant, « Excusez-moi ». Elle lui fit face la troisième fois, dans un couloir mal éclairé. La noirceur du lieu néanmoins ne l'empêcha pas de se trouver confuse. Déroutée par sa présence. Elle le pria de bien vouloir la pardonner, avouant s'être mal comportée à son égard. Elle ne songea plus à inventorier des prétextes dérisoires, penser bêtement au temps qui passait, et qui l'abandonnait à son médiocre destin. Il l'avait apaisée. Elle se sentait en sécurité. « J'ai besoin de parler. J'ai juste envie de vous parler. » Elle ne comprenait pas, mais elle acquiesça. Ils s'assirent sur un lit, dans une chambre à peine plus éclairée que le couloir. Alors, il parla. « Ma femme... Elle est morte. Ce jour-là, vous savez... C'est comme si mon coeur l'avait accompagné. Je me sens si vide. Je n'ai pas choisi de venir ici. Je... Je ne veux pas tromper mon épouse. C'est un ami qui m'a déposé. Il m'a dit, c'est temps que tu revives mon pote. Ça fait un an maintenant... Je l'ai regardé, choqué. Je... Je ne veux pas vous offenser. Mais c'est dur, tous les jours un peu plus. C'est tellement dur. Et puis je vous ai vue. Vous aviez l'air ailleurs, vous aussi. J'ai eu le sentiment qu'à ce moment-là, on n'était pas bien différent. [...] » Il parla longtemps. Lui raconta son histoire, ses peines, son deuil. Il n'omit aucun détail. Eileen, elle l'écoutait vraiment. Elle pleurait silencieusement. Elle était mal. Pour lui, et pour elle, pour ses blessures qui s'étaient subitement rouvertes. Qui saignaient. Elle voulait cracher au monde sa haine, ses peurs. Elle aussi avait besoin de parler. Alors, vint un moment où leurs voix résonnèrent ensemble. Comme le refrain d'une chanson. N'existaient plus que leurs confessions. « Parfois, j'aimerais effacer cette période de ma vie. J'aimerais avoir le courage de dire à Lyndberg, j'arrête. Tant pis pour sa dette. Mais ce n'est pas n'importe qui. C'est mon frère. C'est lui qui a joué au poker contre Lyndberg. C'est lui qui a perdu. Mais je ne suis pas en colère. Je n'aurais pas supporté de le savoir sous cellule. Je n'aurais pas pu. Je me suis vendue à Lyndberg sans l'aide de personne. Mon frère, mon tout petit frère, l'être qui m'est le plus cher, a essayé de m'y faire renoncer. C'était trop tard. Lynd m'avait toute entière. » Ils riaient de leurs malheurs. Mais leur rire, même nerveux, leur réchauffait le coeur. Et ça avait été une seconde. Une seconde magique pendant laquelle le bonheur les avait de nouveau étreint. Une impulsion délicieuse, un baiser volé. Ils ne l'avaient pas vu arriver. Bouche contre bouche, et il leur avait semblé avoir plongé à mille lieux de la plage. Sous un océan merveilleux, plein de quelques milliers de coquillages. Des cœurs décousus réunis. Et il était partit. Il avait payé cinq cent et, courant, s'était enfuit.
Eileen était restée longtemps sur ces draps blancs. Assise, allongée, à la place même de son client. Elle touchait encore un peu du bout des doigts sa trace, ses lèvres, et le goût de l'espoir qu'il lui avait été donné grâce à lui de percevoir. Gravé en mémoire.

Elle était belle, dans sa robe blanche. Elle épousait les courbes de son corps. Mais le voile peinait à cacher ses yeux embués de larmes. Elle ne parvenait à y croire. Ce jour-là, un homme lui avait passé la bague au doigt. Un homme qu'elle n'aimait pas. Tant d'années à s'illusionner sur son conte de fées. Ce mariage, elle ne pouvait l'avoir décemment rêvé. Il n'y avait pas une petite fille dans le monde qui rêvait d'une union arrangée. Leurs familles les avaient tous deux prédestinés, en signant pour leur septième anniversaire un simple bout de papier. Tout le monde avait été convié à la réception. Plus pour donner des sous que pour profiter de cet heureux événement, dû aurait-il l'être. Une cousine d'Eileen, mise dans la confidence de son passé, s'approcha d'elle d'un pas assuré. « C'est au moins fini. » Eileen, sur cette évocation, fut parcourut d'un frisson. « Oui, tu as raison. » Le photographe l'appela à l'extérieur de la salle des fêtes, et elle glissa à sa cousine en se levant. « C'est terminé. »
Accoudé à un arbre, son époux l'attendait. Elle se glissa dans ses bras. Les clichés exigeaient qu'ils s'embrassent. Mais chaque baiser était feint. Il n'y avait rien. Eileen feignait sa joie, décontenancée. Ses futurs progénitures ne pourraient regarder l'album photos, et se dire maman n'était pas bien avec papa. Elle ne voulait pas abîmer l'image que l'on pourrait avoir d'elle, et l'objectif ainsi que les réglages de l'appareil finiraient ces mensonges. Allongés dans l'herbe main dans la main, Eileen se risqua à demander. « Ça ne te fait rien ? » Leurs visages tournés l'un vers l'autre, son mari la détailla longuement. Comme s'il ne comprenait pas le sens de sa question. Il remit une de ses mèches derrière ses oreilles en souriant. « Tu es belle, Gracie. » Ses joues se rosirent, et il déposa un tendre baiser dessus. Elle esquissa un sourire sincère, en buvant les paroles de son ami. « Tu sais, il y aura un jour où tout sera plus simple. Je rentrerai du travail et je te dirai je t'aime, tu m'as manqué. Tu ne me répondras pas forcément, mais tu finiras toi aussi par le penser. On n'est pas là à se déchirer, Gracie. Tu as du mal à te dire que tu ne passeras pas ta vie avec quelqu'un qui te l'a véritablement demandé, mais tu ne passeras pas ta vie pour autant avec un ennemi. On n'est pas le couple Brad Pitt/Angelina Jolie. On n'a pas à être parfaits, et on peut ne pas être d'accord. Vois la situation comme une pause que tu accordes à ton coeur pour qu'il reparte plus sûrement après. » Une pause qu'elle accordait à son coeur. Eileen était admirative de la force d'esprit de son conjoint. Elle était faible, elle. Toujours trop faible. Elle n'arrivait pas à relever aussi aisément la tête. Elle n'arrivait pas à se dire, ce n'est pas grave, ça passera. Elle croyait simplement au destin, à la supériorité de quelque chose qui guidait ses pas. Pendant que le photographe buvait quelques gorgées de sa Castlesprings, son époux la releva et lui prit le menton dans une infinie douceur. « On n'est pas des inconnus. Je te connais plus que tu ne veux le croire, Gracie. Je sais combien de temps tu passes à la salle de bain, à la minute près. Et je sais que si je frappais à la porte pendant ce laps de temps, tu me jetterais la première chose que tu aurais sous la main. Ta brosse à dents. Tu me courrais après pour que je te la rende, et tu finirais par me dire que tu prendras la mienne. C'est la seule excuse que tu as trouvé pour que je te la rende. Je sais que tu ne bois jamais de thé au jasmin. Tu préfères le thé à la camomille. Je sais aussi que ta filmographie n'est constituée que des films de Patrick Dempsey, et qu'au Scrabble tu ne mets que les mots qui décrivent ce que tu penses de la personne. L'autre jour, tu as écrit Fool en me désignant. D'ailleurs, je n'ai jamais compris comment tu pouvais piocher les lettres qui t'intéressaient. » Eileen l'interrompit. « Je ne les pioche pas. Je les choisis. »