+ i let myself be afraid for only five seconds.

Elle avait finalement réussit. Ça faisait deux ans qu'elle avait lancé sa compagnie, et elle avait finalement une clientèle de choix, des employés professionnels, et surtout, LE contrat qu'elle attendait depuis toujours. Les policiers viendraient chercher leurs bergers allemands ici, chez elle. Un petit sourire ourlait ses lèvres rosées alors qu'elle observait son immense cours. Une langue humide lui lava la main comme il se devait, et elle rigola avant de baisser les yeux. Son husky noir et blanc, possédant un oeil bleu et un oeil brun, la regardait, la langue bien pendante. Eska avait trouvé Cendres deux ans auparavant, en piteux état. Le voir aujourd'hui autant en forme, avec sa compagnie de dressage et d'élevage de chiens la rendaient vraiment heureuse. Alors, comment on se sent, championne? lui demanda son petit-ami, tout en enroulant un bras autour de ses épaules. Elle le regarda en souriant. On se sent très bien, tous les deux, répondit-elle en posant la main sur son ventre. Immédiatement, l'expression de Clyde changea. Non, t'es enceinte? s'exclama-t-il avant de la soulever dans ses  bras. Tous deux se mirent à rigoler, alors que le chien s'amusait à sautiller autour d'eux. Décidément, c'était une magnifique journée.

Ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai, ce n'est pas vrai... se répétait-elle en boucle, sans toutefois réussir à réellement se convaincre. Était-il vraiment là, devant elle, en train de lui hurler qu'elle n'était qu'un monstre? Est-ce que son visage était réellement déformé par la haine, la douleur? En face d'elle se trouvait Clyde, un fusil à la main. Elle était terrifiée, incapable de savoir si elle hallucinait ou non. Avait-il appris ce qu'elle avait fait? Était-il revenu simplement pour la tuer? Incertaine d'avoir la force de se supporter elle-même, elle avait prit appuie contre le mur le plus proche. Elle secouait doucement la tête, alors que Clyde pointait finalement la gueule du fusil contre sa propre tempe. NON! hurla-t-elle, trop tard, toutefois. Elle s'élança, tombant à côté du corps inanimé de l'homme qu'elle avait tant aimé. Eska pleurait en s'excusant puis... Madame Voltayre? Madame Voltayre! Que s'est-il passé? Êtes-vous blessée? Juste comme ça, son attention fut troublée un instant. Elle tourna la tête vers son employé, puis à nouveau vers le cadavre... qui n'était plus là. Ni le sang, ni l'arme, plus rien.

Était-elle vraiment en train de faire ça? Elle avait de la difficulté à le croire. Mais c'est ce qui devait être fait. Elle avait beau fermer les yeux, faire comme si de rien n'était, les faits restaient là: elle hallucinait complètement, et ça ne partirait pas. Il était hors de question qu'elle fasse subir tout ça à Clyde, encore moins à leur enfant, celui qu'elle ne pouvait se résoudre à porter. On peut passer au travers de tout ça, Eska, ensemble, continua de la convaincre son maintenant ex petit ami. Elle secoua violemment la tête. Non, Clyde, je ne peux pas continuer, c'est tout. Si tu m'aimes tant que ça, respecte-moi. T'as toujours dit que le respect, c'était le plus important, non? En voyant Clyde figée, elle savait qu'elle avait marquée un point. Elle jouait sur ses cordes sensibles, mais elle le devait, même si ça la tuait. D'ici ce soir, je serai plus dans tes pattes, murmura-t-il avant de lui tourner le dos. Elle expira silencieusement, avant de quitter la pièce, la main sur la bouche. Eska lui avait fait croire qu'elle avait perdue le bébé, au lieu de lui dire franchement qu'elle avait pris rendez-vous pour un avortement la semaine prochaine. Elle se sentait sale, de plaquer sa vie comme ça, mais la réalisation de son trouble mental parvenait à la convaincre qu'elle prenait la bonne décision. Pour le bien de tout le monde.

Un, commença-t-elle à compter, complètement figée sur place. Il y avait cette maman husky, qui accouchait, qui avait besoin d'elle. Mais tout ce qu'elle voyait, c'était cette étrange et laide créature devant elle. Deux, murmura-t-elle ensuite, laissant la peur s'installer partout à l'intérieur d'elle, faisant trembler ses jambes, faisant vibrer ses tripes. Trois. Elle avait apprit ce truc magique en écoutant la première saison de Lost, truc qui lui était d'un grand secours depuis qu'elle imaginait n'importe quoi. Quatre, dit-elle encore, ses yeux fixés sur l'espèce de chien qui avait sa tête à l'envers. Cinq, expira-t-elle finalement, plus fort et en fermant les yeux. Elle inspira, puis expira, encore une ou deux fois, avant d'ouvrir les yeux à nouveau. Soulager de voir qu'il n'y avait plus rien d'anormal autour d'elle, elle se dépêcha de rejoindre la chienne, qu'elle entendait chigner un peu plus loin.

C'était comme si un poids venait de s'enlever de ses épaules, pour être remplacer par un autre. Une tumeur au cerveau. Voilà quel était son véritable problème. Choquée, elle n'entendait plus ce que lui disait son médecin, son regard vide fixé sur rien en particulier. Elle avait une tumeur. Elle n'était pas folle. Les hallucinations étaient là dû à sa tumeur, et si le chirurgien parvenait à ôter ladite tumeur, Eska perdrait aussi les hallucinations. Son cœur battait la chamade, sa tête tournait rapidement. Les choix qu'elle avait prit lors des deux dernières années, elle les avaient fait en pensant qu'elle était folle, en pensant que c'était mieux ainsi. Alors qu'en vérité... Elle avait abandonné l'homme de sa vie, elle avait tué son bébé... Je ne peux pas me faire opérer, déclara-t-elle soudainement, relevant les yeux vers son médecin, qui la fixait maintenant avec étonnement. Pas maintenant... j'ai trop de choses à faire. Faudra que ça attende encore un peu, expliqua-t-elle, de plus en plus nerveuse. Madame Voltayre, vous devez comprendre que cette tumeur... elle peut vous tuer, répliqua le chirurgien, tout en se levant en même temps que Eska. Tout comme cette chirugie, fit-elle en point final, avant de quitter la pièce en se retenant difficilement pour ne pas courir.